Il y a quelques jours de cela, en regagnant mes pénates, j’ai croisé ma copine Marion déguisée en Bibendum : Grosse doudoune (mon Dieu, ce que ça ne l’arrange pas…), bonnet, écharpe, moonboots, tenant à bout de bras de multiples sacs à peine moins gros grands qu’elle. Intriguée, j’approchai tout en me demandant comment elle allait s’en tirer.
- Ah tiens, salut ! Tu m’aides ? fit-elle, ravie de trouver sa solution
- Tu déménages ? m’enquis-je
- Nan, on part au ski la semaine prochaine, je suis allée chercher les affaires à la cave.
- Mais, euh…, t’as loué une semi-remorque pour trimbaler tout ça ? D’ailleurs, y’a quoi là-dedans ?
- Oh tu sais, les trucs habituels, combi, casques, chaussures de ski, après-skis, luge… Enfin, ne me dis pas que tu n’es jamais partie au ski ???
- Pfff…. j’y ai VECU, MOI, à la neige Madame ! J’ai affronté des températures avoisinant les – 35°C, j’allais acheter le pain à pied, à 5km de la maison, sous des tempêtes effroyables et je n’avais que six ans ! Parfaitement !
- Je croyais que tu étais née dans le Sud ?
- J’ai migré !
- Et c’était où ?
- Dans le Jura. On habitait une petite maison dans le no man’s land, papa était en bas qui coupait le bois, maman était en haut qui préparait le lolo…
Je ne sais pas pourquoi, parfois, Marion me regarde bizarrement…
- Allez monte, t’as besoin d’un petit remontant et tu vas me raconter ça tranquillement. J’ai comme l’impression que tu en as gardé de sacrées séquelles.
Des séquelles ?! Une haine viscérale pour tout ce qui froid, mouillé et glissant… (Que les esprits grivois se retirent promptement de ce lieu !)
Lourdement trompée par ce père qui me vantait les avantages de vivre dans un monde tout de blanc vêtu, s’acharnant à me faire glisser sur une luge, engoncée sous trois épaisseurs de vêtements, je terminai invariablement mes épopées la tête dans la neige sous les regards tendrement compatissants de ma maman, bien trop planquée près du radiateur pour me venir en aide…
Je fus alors initiée au ski de fonds, ce qui me valut d’être bien plus souvent les quatre fers en l’air que les pieds sur les skis.
A ce stade, mon papa, satisfait de mes progrès (l’amour paternel est souvent aveugle ou était-ce le déni d’avoir une fille à l’oreille interne détraquée ?), jugea que j’étais prête à affronter les pistes.
Affublée de chaussures de torture (j’en sens encore la morsure sur les tibias), je le suivis, accablée, vers ces engins que l’on appelle des tire-fesses. Après quelques explications sommaires, je glissai l’instrument entre mes jambes (esprits grivois, dehors !), me cassai la figure un certain nombre de fois avant de parvenir au sommet où mon père m’attendait en hurlant :
- Maintenant, tu lâches ! Lâche! Tout de suite !!! Non, ne lâche plus ! Accroche-toi !!
C’est ainsi que je fis un tour complet, accrochée à cette tige, au dessus du vide, bien contente de revenir au point de départ !
Que dire de ces descentes longues et pénibles, le buste en avant, les bras écartés et le regard rivé sur mes skis en chasse-neige ?
Depuis, les seules fois où je suis remontée dessus furent celles où je me laissais guider par un moniteur. Lui devant, moi derrière (esprits grivois, retournez à Google !), il faut croire que la vue motivait mon sens de l’équilibre…
Malgré cela, je ne me suis jamais rien cassé et mon papa continue de croire que j’étais une assez bonne skieuse !
Et les gremlins dans tout ça ? Sont-ils privés de neige à cause de leur mère faiblarde sur ses guiboles ? Eh bien, il faut avouer que depuis que j’ai fait la culbute en dirigeant un traîneau tiré par des huskies en furie, vu trente-six chandelles avant de me réveiller entourée de molosses qui hurlaient à la mort, je ne suis plus très « open-minded », ce qui n’est finalement pas si grave puisque le réchauffement climatique leur permettra bientôt de chausser leurs skis à Paris !
Quant à Monsieur Gremlin, rencontré (comme c’est étrange) dans une station de sports d’hiver, il a eu, depuis, la délicatesse de s’exploser les ligaments du genou.
Ah, l’amouuuur….