A la caisse d’un magasin de vêtements, je m’apprête à régler un joli débardeur, écoutant distraitement les bruits environnants :
- Madame ?
- ….
- Madame ?
- …..
- MADAME !!
Mais quelle est donc cette MADAME qui ne daigne pas répondre ? Encore une de celles qui cherchent à attirer l’attention… Je scrute les environs à la recherche de l’indélicate.
Bizarre, bizarre, je suis la seule dans la file…
Mes yeux remontent lentement jusqu’à croiser le regard de la caissière qui me dévisage, visiblement exaspérée.
- Vous me parlez? je demande, innocente.
- Mais oui Madame, je ne vois personne d’autre que vous, répond-elle dans un haussement d’épaules.
De stupeur, j’en laisse tomber mon top, tourne les talons et sors aussi dignement que la situation me le permet. Une fois dehors, je suis partagée entre l’humiliation, la rébellion, le fou rire, pour finalement garder un goût amer dans la bouche. Et voyant les passants qui s’écartent prudemment sur mon passage, je m’aperçois que je ronchonne :
« Madame ? Non mais elle n’est pas bien celle-là ? Madame ! Est-ce que j’ai une tête de Madame ? Hier encore, on m’a prise pour la baby-sitter des enfants ! N’importe quoi ! Ils peuvent toujours courir pour que je remette les pieds dans leur magasin minable ! Tiens, je vais même déposer une plainte dénonçant l’impolitesse des employés. Oui, c’est ce que je vais faire ! Ah, ah, tu vas voir ce qu’elle va te mettre la Madame ! ».
Hélas, quand la machine s’emballe, rien ne peut l’arrêter.
A la sortie de l’école, j’invite un camarade de gremlins 2 à jouer à la maison. Je leur sers leur goûter.
- Merci Madame.
Ah non ! Ca ne va pas recommencer !
Je plante mes yeux dans ceux de l’impoli et tente de l’éduquer aussi calmement que possible :
- Tu peux m’appeler par mon prénom, tu sais…
- Oh non, ma maman, elle dit que quand on a des traits sur la figure, on doit dire Madame.
- DES TRAITS ??? Où tu vois des traits toi ?!
- T’en as plein autour des yeux !
- Ca mon gars, ce sont des rides d’expression ! Elles sont là parce que je ris beaucoup !
Et toc, mouché le mouflet…
- N’empêche que là, tu rigoles pas et t’as des traits sur le front !
- Et toi, je parie que tu en as sur la langue à force de dire des âneries !! Et puis d’abord, c’est qui ta mère, que je lui cause deux minutes.
- Ma maman, elle travaille. C’est ma baby-sitter qui me garde. Elle, elle a pas de traits.
- Ouais, ouais, ça va, hors de ma vue, espèce de gnome !
Au passage, j’attrape mon garçon et lui glisse, intraitable :
- Celui-là, je n’en veux plus à la maison, compris ?
Pour calmer mes nerfs à vif, il faut que je sorte. Ca tombe bien, il n’y a plus de pain.
J’emmène la grande avec moi, on parlera de trucs de filles.
Je règle ma baguette, nous partons, lorsque j’entends, dans mon dos :
- Au revoir Mademoiselle.
Je me retourne, éperdue de reconnaissance :
- Au revoir cher Monsieur. Et laissez-moi vous dire que votre pain est dé-li-cieux !
- Merci Madame. Et votre petite Mademoiselle est ra-vi-ssante!
No futur…..