Quand on est célibataire, en couple, ou jeune mariée, en clair, sans enfants, il est fort recommandé de se lever le matin pour accomplir quelque tâche utile à la communauté moyennant rémunération. C’est vrai ça, on a déjà été un gouffre financier pour nos géniteurs entre 0 et 18 ans – dans le meilleur des cas, sinon louez « Tanguy » – qu’il est temps de retourner la politesse et d’aider son compagnon (si on en a un) à construire un avenir que chacun souhaite florissant, surtout les géniteurs en question !
Jusque-là tout va bien.
Alors, survient la grossesse. Autre joie, autre fierté : Non seulement on est une Chef de Produit prometteuse dans une grosse multinationale mais on se révèle aussi en tant que future mère, ce qui, de l’avis de tous, est bien « le plus beau métier du monde », (et aussi le plus vieux, n’en déplaise aux péripatéticiennes !)
Ah bon ? Parce que c’est un métier d’être mère ? Jamais vu de fiche de paie…
Ca commence à se gâter. Sur tous les fronts :
- Front patronal :
« Dites-moi, vous ne m’aviez pas promis d’attendre le prochain lancement avant d’être enceinte ? » ; « Je savais bien qu’il ne fallait pas vous embaucher… » ; « Vous comptez allaiter ? Non, parce que ça rajoute encore un mois d’absence. » ; « Combien vous allez en faire ? »
Aux Etats-Unis, on intente des procès pour de telles remarques, non pas que l’on soit procédurière mais avouons qu’il y a matière à réfléchir.
- Front amical :
« Profite des quelques mois qui te restent, après tu vas déguster entre la nounou – si t’en trouves une avant la fin de ton congé mater – les maladies et le patron » ; « Tu sais que les crèches ferment à 18 heures, comment tu vas faire avec ton boulot ? » ;
« Si t’en as un deuxième, tu peux t’accrocher pour passer Chef de Groupe…à moins de faire comme si t’en avais pas, de gosses j’veux dire ! »
Oui, on avait bien remarqué que Marion a l’air moins épanouie professionnellement depuis l’arrivée de Simon, qu’Hélène se sauve du bureau à 17h30 pétantes et que Fanny se liquéfie dès qu’il faut faire une nocturne. On se rassure en se disant qu’elles font preuve d’un manque d’organisation manifeste, ce qui ne saurait être notre cas !
- Front familial :
« J’espère que tu vas réduire tes horaires » ; « On ne fait pas des enfants pour les faire élever par une nounou » ; « Jusqu’à trois ans, la présence de la mère est essentielle » ; « Et qui lui fera faire ses devoirs ? Non ma chérie, tu n’as pas le temps, c’est maintenant qu’il faut y penser ! »
L’angoisse finit par frapper à la porte. Et si le petit être innocent qui commence à bouger dans notre ventre devient un enfant taciturne, un ado suicidaire, un adulte psychopathe, tout ça parce qu’on a continué à travailler ?
- Front marital :
« Hé, hé, c’est qu’on devient une vraie petite boule maintenant. Tu roules ? » ; « T’as commencé la recherche de nounou ? » ; « Va falloir que tu t’organises parce qu’avec mon nouveau taf, je vais pas mal voyager. » ; « Quoi ? On rentre déjà, il n’est même pas 1 heure ! » ; « Un p’tit câlin ? ».
Six semaines après l’accouchement, on reprend sa place à la boîte ; on a trouvé une super nounou (si, si, ça existe) ; perdu ses kilos même plus, réduit ses heures de sommeil (l’avenir appartient aux lève-tôt, à force de le dire, c’est que ça doit être vrai) ; appris à changer une couche en téléphonant ; retrouvé son sex-appeal dont on case l’accomplissement entre deux biberons, bref, on a tout de la business woman – femme épanouie – mère comblée sur laquelle personne ne misait un kopek.
On passera sous silence qu’on profite de la pause-pipi de 18 heures du boss pour s’éclipser à l’anglaise, qu’après avoir essayé de donner un biberon à 3 heures du mat complètement bourrée, on préfère rentrer se coucher à minuit voire rester à la maison, que les baby-sitters coûtent trop cher pour regarder dormir bébé et que le bébé en question dit papa au mari de la nounou…
Et puis, comme on est un peu maso, on triple la production gremlinesque, mais jamais, au grand jamais, on n’abandonnera son job: On se reposerait quand sinon?