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15 septembre 2011 4 15 /09 /septembre /2011 07:00

 

temps-perdu-copie-1.jpg

 

Aujourd’hui, je me suis éveillée en sursaut.

 

Une évidence :

J’ai perdu toutes ces années qui sont passées devant moi sans même m’en avertir.

Pourtant, il me semble bien les avoir vécues…

Comment ai-je fait pour les perdre ? Pourquoi ne pas les avoir retenues ?

 

Je les ai vues s’éloigner doucement, à petits pas silencieux.

Silencieuses et lointaines… Lointaines surtout.

 

J’ai cru avoir le pouvoir de les faire revenir à tout moment.

Elles ne m’en ont pas laissé le droit.

Et elles ont disparu de mon horizon.

 

Ce serait perdre mon temps que d’aller à leur recherche.

Je consacrerai plutôt celui qui me reste à chérir celles à venir.

Si je peux.

 

Mr Proust ne m’en voudra pas, j’espère, de lui avoir emprunté un titre…


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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 07:00

20-ans.jpg« On n’a pas tous les jours vingt ans, ça n’arrive qu’une fois seulement… »

 

Quand elle était enfant, Lola se trompait souvent dans les paroles de la chanson et, très sérieusement s’exclamait : « On n’a pas tous les jours vingt ans, ça n’arrive qu’une fois par an… ». Ses parents riaient de son lapsus, ce qu’elle n’admettait pas et l’enfant se jurait alors que lorsqu’elle atteindrait cet âge fatidique, ils verraient ce qu’ils verraient !

 

C’était devenu son but, son objectif et sa ligne d’arrivée, comme si, parvenue à vingt ans elle découvrirait alors un monde inconnu que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

Car à force de les chanter, de les poétiser, de les idolâtrer, ils devaient assurément avoir quelque chose d’extraordinaire ces vingt ans-là…

 

Dès lors, elle avait développé une passion frisant l’obsession pour tout ce qui touchait au nombre fétiche. Et lorsque quelqu’un lâchait un désespéré « Je n’ai plus vingt ans », elle plongeait dans une grande perplexité. Pour elle, atteindre cet âge divin signifiait l’aboutissement de la quête du Graal, où la chrysalide se transforme en ce beau papillon pour qui rien n’était impossible.

 

Elle s’imaginait, dans la nuit des ses vingt années, s’extraire du cocon étouffant de l’enfance, déployer un corps svelte aux longs membres graciles et offrir au monde un visage pur et lisse dénué de la plus petite trace pouponne.

 

C’est dans cette attente qu’elle atteignit l’adolescence, convaincue qu’outre la splendeur, ses vingt printemps lui apporteraient la clé des champs. N’était-ce pas à l’aube de leurs vingt ans que les plus Grandes avaient vu leur destin basculer ?

 

Le sien, elle en était sûre, ce n’était pas sur les bancs du lycée qu’il la guettait, pas plus que dans le regard énamouré de son camarade de classe ou encore dans le discours moralisateur des ses paternels.

Son destin à elle se cachait dans un endroit bien plus inattendu, encore inconnu, ou bien au contraire si familier qu’elle n’y songeait même pas !

 

A 18 ans, Lola passa son bac, y fut reçue sans faire de vagues.

Elle goûtait avec délice à un avant-goût de liberté, appréciant par anticipation la délivrance tant attendue dont elle entendait le chant enivrant.

 

Alors, un monde nouveau s’ouvrit à elle, elle s’émerveilla de tant de découvertes jusqu’ici insoupçonnables et se laissa conduire vers cet inconnu que les à peine plus de vingt ans s’offrirent de la guider…

 

Elle s’enivra de nouveaux plaisirs, goûta aux fruits défendus, se piqua de lubies venimeuses, empoisonna son corps et son esprit de substances traîtresses. Peu à peu, la perspective de ses vingt lumineux se perdit dans les brumes obscures de sa jeunesse saccagée.

Elle sombra dans une nuit sans fin, sans réveil.

 

Léa n’avait pas encore vingt ans.

Les avoir ne lui importait plus.

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10 mars 2011 4 10 /03 /mars /2011 07:00

coeur-brise.jpgL’enfant est couché dans son lit. Comme tous les soirs, il attend que ses parents viennent l’embrasser. Il les entend discuter dans la cuisine dans le joyeux tintamarre des casseroles et des assiettes.

Il aime cette attente.

 

Parfois, lorsqu’ils tardent trop, il les rappelle à l’ordre, il a toujours peur qu’ils ne l’oublient.

 

Ce soir, c’est son père qui pénètre le premier dans sa chambre pour le baiser nocturne. Il n’a pas encore eu le temps de se changer et il porte les odeurs du dehors, étrangères à son univers. Il n’ose pas le lui avouer mais l’enfant n’aime pas cette odeur de travail que son père ramène à la maison

Pourtant, il noue ses petits bras tous fins autour du cou de l’adulte et respire, ravi et rassuré, quelques lointaines effluves du parfum de sa mère. Son papa lui souhaite bonne nuit et quitte la chambre en cédant la place à Maman.

 

Maman est souriante aujourd’hui.

Elle a ri avec lui, ils ont même joué aux petits chevaux.

Dans ces moments-là, il trouve qu’elle est la plus magnifique de toutes les mamans. Il la regarde, les yeux émerveillés, emplis d’un amour infini…

En secret, il l’appelle « Ma Femme ».

 

Il sait bien qu’elle ne sera jamais sa femme, à son âge, on sait que l’on ne peut pas se marier avec sa maman, n’empêche, quand elle est belle comme ce soir, il se plaît à imaginer…

Lorsqu’elle se penche au dessus de lui, il l’attrape par le cou et lui baise les lèvres, tout doucement.

  • -         Tu es un peu grand pour les bisous sur la bouche maintenant, lui souffle-t-elle.
  • -         Pourquoi ? s’étonne-t-il.

 

Oui au fond, pourquoi ?

 

Elle lui ébouriffe les cheveux, chatouille son petit nez et murmure :

  • -         Pour rien.
  • -         Maman, demande l’enfant, ça veut dire quoi, papillonner ?
  • -         Papillonner ? Eh bien, ça veut dire aller de fleur en fleur sans se décider vraiment à en choisir une. Comme font les papillons, tu vois ?
  • -         Est-ce que les gens papillonnent ? reprend-il.

 

Sa mère le fixe, surprise et amusée :

  • -         Pourquoi demandes-tu cela ?
  • -         Parce que la concierge, elle m’a dit qu’avec des yeux comme les miens, c’est sûr que quand je serai grand, je papillonnerai comme papa.

 

Stupeur.

Silence.

Menace.

 

Le ciel de l’enfant se voile d’un seul coup. Maman ne sourit plus, ses yeux ont perdu de leur douceur, son visage détendu s’est durci, elle le couche violemment sans même un baiser, éteint la lumière et sort en fermant la porte.

Il entend ses pas qui s’éloignent.

Elle est fâchée, il ne comprend pas pourquoi. Il voudrait la rappeler, s’excuser, mais il n’ose pas.

Etendu dans son lit, c’est à peine s’il s’autorise à respirer normalement. Son cœur fait un tel boucan qu’il n’arrive à rien écouter d’autre.

 

C’est ça le problème avec Maman. Un coup elle sourit et pouf, l’instant d’après elle est fâchée.

 

Au loin, il parvient à entendre les éclats de ses parents. Sa mère a cette voix stridente qui le terrorise, son père gronde.

 

Pour la troisième fois cette semaine, la Querelle s’est invitée dans la maison et dépose sur le front de l’enfant son baiser du soir.

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16 décembre 2010 4 16 /12 /décembre /2010 07:00

Toits.jpgMarie est une jeune fille - pas tout à fait une femme - de 20 ans. Elle les a fêtés la veille en compagnie de ses parents et de ses deux sœurs. Son père a longuement regardé son aînée souffler les bougies dont la cire dégoulinait sur le gâteau marbré. Leurs regards se sont croisés, il lui a souri franchement avec dans les yeux cette fierté propre aux pères envers leurs filles. Elle les a baissés, intimidée par cette déclaration, submergée par l’émotion. Elle aurait voulu se serrer dans ses bras, lui murmurer qu’elle aussi l’aimait.

 

Seulement, dans la famille de Marie, la bienséance l’emporte sur les débordements, quels qu’ils soient. Lorsqu’on pénètre chez eux, l’atmosphère lisse et feutrée de l’appartement produit un effet apaisant immédiat sur l’étranger en visite. Tout y est parfaitement à sa place, tant les objets que les occupants de ce six pièces citadin. Sa mère, accueillante, d’une sobre élégance, veille à ce que chacun ne manque de rien, tout en contrôlant, d’un froncement de sourcil, le moindre excès inopportun.

Les camarades de Marie ont toujours aimé se réfugier dans cette ambiance réconfortante, fuyant un foyer électrique pour l’une, un vide trop encombrant pour l’autre. Longtemps elle en a retiré un certain orgueil, heureuse que l’harmonie familiale puisse susciter admiration et envie.

 

Et puis, en grandissant, elle fut autorisée à passer quelques soirées chez ses amies, découvrant alors un univers où les portes claquent, où les paroles volent haut, et où les embrassades succèdent aux gifles. Décontenancée au début par cette avalanche d’énergie, c’est avec soulagement qu’elle regagnait la tranquillité rassurante du domicile familial. Saoule de tant de démesure, elle se réfugiait dans sa chambre, ouvrait sa fenêtre et se perdait dans la contemplation des toits de la capitale.

 

Aujourd’hui, au lendemain de ses 20 ans, Marie est devant sa fenêtre ouverte.

Le froid a envahi la pièce et pourtant, elle étouffe. Dehors, elle sent l’agitation qui s’est emparée de la ville à l’approche des fêtes de Noël : les lumières clignotent d’impatience, les flocons dansent une valse désarticulée et elle s’attend presque à voir surgir de derrière l’étoile du berger le Père Noël venu lui apporter son cadeau.

 

Marie rêve d’un cadeau qu’elle ne peut commander, qui ne peut s’acheter, qu’elle n’oserait demander à ses parents tant elle craint de les peiner.

Marie n’en peut plus de se contenter de contempler les toits de Paris.

Marie veut s’envoler et découvrir d’autres toits.

Marie veut crier, rire à gorge déployée, sortir dans la rue habillée comme l’as de trèfle, ou même de pique.

Marie veut être aimée fougueusement et prendre le monde entier pour témoin.

Marie veut, rêve, imagine, souhaite, idéalise, désire, soupire…

 

Et pourtant, Marie, vingt ans à peine passés, referme tout doucement la fenêtre…

 

Merci à Marlène pour son dessin et au blog à 1000 mains pour son nouveau jeu d'écriture auquel je participe avec un retard presque honteux!

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 07:00

sorciere balaiLa petite fille sort de l’école, heureuse. C’est le week-end, pas de devoirs, un anniversaire chez une copine, cette fin de semaine s’annonce radieuse.

Elle lève les yeux, cherche du regard celui de sa maman, perdu dans cette foule de parents et…HORREUR, tombe sur celui de l’Autre.

Elle s’arrête net, n’ose franchir la grille de l’école tout à coup si protectrice, recule de quelques pas quand une voix autoritaire l’interpelle : « Hé toi ! Viens par ici ! C’est ta mère qui m’envoie ! »

 

Les mères s’écartent, cédant le passage à un balai monté sur jambes, aussi droit que raide.

La honte ! Mille paires d’yeux font l’aller-retour entre la petite fille et le balai. On la regarde, peiné, compatissant, on amorce un geste pour finalement baisser les yeux et taire l’élan qui nous pousse vers elle.

-         Si tu veux, tu peux rester à l’étude, glisse l’institutrice en voyant le balai avancé d’un pas décidé.

La tentation est grande… Tout plutôt que de subir les « Tiens-toi droite, lave-toi les mains, tais-toi, fais tes devoirs !... »

Non, elle ne cèdera pas, elles vont rentrer à la maison, l’une derrière l’autre.

Pourvu qu’elle ne la touche pas ! Rien qu’à l’idée que sa main puisse lui effleurer l’épaule la tétanise de dégoût…

 

Le balai ne salue personne, elle marche droit devant elle, la pousse :

-         Marche plus vite il va pleuvoir, j’ai pas envie d’être trempée à cause de toi !

 

La petite fille croise la voisine qui lui dit en désignant le balai du menton :

-         Ben dis-donc, t’as dû en faire de belles pour mériter ça !

 

Elles pénètrent dans la maison, le balai, qui ne prend pas la peine de s’essuyer les pieds, vocifère :

-         Essuie-toi les pieds ! Range tes chaussures ! Lave-toi les mains ! Attache-toi les cheveux, tu as l’air d’une souillon ! Rejoins-moi au salon !

 

Pas de goûter, bien entendu, cela coupe l’appétit pour le dîner…

 

Le balai l’attend, assise sur le canapé, grignotant des « Petits Ecoliers » au chocolat noir, maculant le sol de miettes éparses. Elle a préparé vingt-quatre additions, douze multiplications et neuf divisions.

-         J’ai pas encore appris les divisions…

-         Et alors ? Comme ça t’apprendras ! Tais-toi et travaille !

 

Le temps est immobile. Surtout, ne pas la regarder…

 

La porte claque soudain : « Me voilà ! Je suis partie plus tôt que prévu ! Chérie… Tu aurais pu t’essuyer les pieds avant d’entrer, il y a de la boue partout ! »

Le balai se lève, enfile son manteau et empoche l’argent dans un vague bougonnement.

-         Je ne sais pas ce que je ferais sans vous ! s’exclame la maman reconnaissante, puis se tournant vers la petite fille, tu dis au revoir ?

-         Au revoir Madame.

 

Puis, pour elle seule :

- Du balai, le balai !

 

Qui a dit que les sorcières n'existaient pas???

 

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25 octobre 2010 1 25 /10 /octobre /2010 07:00

hallowen.jpgLa femme marche d’un pas rapide.

Ses talons claquent sur le bitume, secs, rapprochés.

Elle ne court pas. Elle aurait bien voulu mais ne porte pas les chaussures adéquates.

La rue est calme, quelques voitures circulent, des passants à la démarche usée la croisent, tête basse, sans même la voir.

Elle regarde sa montre, dans l’espoir que le temps se soit suspendu. Non, le temps suit son chemin, lui signifiant qu’il est bien trop tard pour rentrer du bureau.

 

Apercevant la bouche du RER, elle accélère le pas, pressée de s’y engouffrer, rejetant au loin les sombres visions que l’obscurité de ce trou béant lui inspire.

Elle tient son sac serré contre elle, son billet à la main, prête à le glisser dans la machine qui lui ouvrira les portes du souterrain.

Elle hésite un instant. Elle aurait dû prendre un taxi…Elle se tourne vers l’escalier qui la ramènerait vers la lumière réconfortante des lampadaires…

 

Pourtant, elle se raisonne, elle n’a plus les moyens d’un tel luxe.

 

Résignée, elle fait glisser son billet dans l’appareil qui l’avale, pousse le tourniquet et pénètre dans le couloir interminable qui la mènera sur le quai.

Elle regarde devant elle : Personne.

Elle se retourne : Personne.

Elle est seule.

 

Elle cherche machinalement son portable dans la poche de son imperméable, elle le sort.

Pas de réseau.

Elle le range, gardant le pouce posé sur la touche « Appel d’urgence ». Elle se souvient que c’est précisément pour cette raison qu’elle a choisi ce modèle.

 

Elle marche de plus en plus vite.

Ses pieds la font souffrir, ses orteils cognent contre le bout de ses escarpins.

Pourquoi les a-t-elle mis justement aujourd’hui alors qu’elle savait qu’elle rentrerait tard ?

 

Sa respiration se fait haletante, elle ouvre la bouche pour aspirer plus d’oxygène. Elle a chaud, elle veut retirer son imperméable mais s’en abstient. Dessous, elle porte cet ensemble printanier que Nicolas aime tant. Encore une erreur ! Elle aurait dû mettre un pantalon.

Elle s’essuie le front de ses mains devenues moites.

Elle ne s’entend plus respirer, son cœur martèle sa poitrine de battements lourds et puissants, ses oreilles bourdonnent de ses coups assourdissants.

Elle accélère encore, s’efforce de le calmer en songeant à des sujets plus distrayants.

 

Alors qu’il commence lentement à s’apaiser, elle perçoit des bruits de pas derrière elle. Il repart de plus belle, frappant contre ses tempes !

Elle s’humecte les lèvres, sa gorge est sèche, sans salive.

Elle force encore l’allure, les pas qui la suivent aussi.

Elle ne veut pas regarder, si elle le fait, elle est perdue. Elle écoute le son des pas dans son dos, essayant de compter combien ils sont. Impossible de se concentrer, trop de bruits parasites.

 

Elle n’arrivera jamais au bout de ce couloir, elle le sait, elle l’a rêvé. Elle a fait en sorte d’y échapper, jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, elle y est, il est inutile de s’enfuir, personne ne viendra l’aider, elle sait ce qu’elle va subir…

 

Tremblante, essoufflée, elle ralentit quand elle se souvient de son pouce sur la touche de son portable, elle s’apprête à l’enfoncer lorsqu’une sonnerie caractéristique se fait entendre : Plus de batterie !

 

Derrière elle, les pas ralentissent. Son cœur bat encore plus fort, elle prie qu’il s’arrête brutalement pour faire taire cette torture.

Soudain, elle stoppe : Qu’on en finisse !

Silence.

Elle n’entend que le silence.

 

Tout doucement, elle tourne la tête, puis le reste de son corps : Personne. Elle est seule.

 

Elle repart, hésitante. Les pas derrière elle aussi. Elle se retourne. Personne !

Elle repart, les pas résonnent au même rythme que les siens.

C’est alors que ses yeux se fixent sur ses chaussures.

Elle en a les jambes coupées de soulagement.

Elle a compris.

 

NB de l’auteur :

Heureusement qu'avec les grèves, ce genre de frayeur ne risque pas de se produire...

 

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9 septembre 2010 4 09 /09 /septembre /2010 07:00

point.jpgCouché dans son lit, il entendit le bruit de la grille. Il flottait entre rêve et réalité, en apesanteur entre ces deux mondes opposés, ne sachant vers lequel glisser.

De nouveau, la grille grinça, le réel l’accrocha, il ouvrit les paupières.

 

La nuit avait envahi la chambre à coucher, seul le faisceau bleuté du radio réveil tentait une incursion dans l’obscurité opaque.

A ses côtés, la place était vide. Elle n’était pas encore rentrée.

Quelle heure était-il ? Pourquoi ces absences toujours plus longues ? Pourquoi s’endormait-il, soir après soir, renonçant à l’attendre ?

Il traqua dans le silence le bruit de ses pas descendant l’allée ; la clé dans la serrure, qu’il fermait désormais à double tour ; la porte qui claque, sans compassion pour les dormeurs ; les talons secs sur le parquet ; les vêtements jetés sur le canapé ; son corps nu et froid glissé dans les draps ; son dos, toujours son dos…

 

Il se redressa dans son lit, en appui sur ses coudes pour mieux écouter.

Ni pas, ni clé, ni talons.

Silence.

 

Avait-il rêvé après tout ? Etait-ce l’attente inconsciente de son retour qui l’avait éveillé ? Reviendrait-elle ce soir ?

Elle était peut-être là, dans l’allée, hésitante.

D’un bond, il fut debout. Son instinct le poussait à la retenir. Il ouvrit la fenêtre, puis les volets, mais ne l’aperçut pas. La grille était fermée, elle n’avait pas grincée. L’allée était vide.

 

La porte ! Elle était certainement à la porte !

Il n’avait pas entendu ses pas parce que…. parce qu’il dormait, voilà tout.

Rassuré, il se dirigea vers l’entrée, ses pieds nus silencieux sur le sol, heureux de l’accueillir, décidé, enfin, à l’écouter.

Trop tard.

Les bras ballants, il fixait la porte désespérément close d’elle.

Il eut peur. Ce jour avait-il été le dernier ? La nuit précédente, l’ultime ?

Se pouvait-il que la fin ne ressemble qu’à une journée banale ?

 

Il traversa la maison silencieuse, surpris plus qu’attristé, intrigué plus qu’ébranlé.

Et pourquoi pas ?

Pourquoi ne pas en finir ainsi ? Avaient-ils besoin d’explications ? Leurs silences n’étaient-ils pas suffisamment explicites ?

Pas de mots laissés sur un coin de table, pas de paroles superflues ni d’attaques stériles, seulement une fin en forme de point, sans retour à la ligne.

 

Revenu dans sa chambre, il se recoucha et n’eut plus qu’une idée : Se rendormir

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 07:00

Elle ouvre les yeux. Elle écoute.

Aujourd’hui, le silence l’a réveillée. Allongée dans son lit, elle ne bouge pas. L’air froid de la chambre lui mord le bout du nez, alors, elle se recroqueville dans la chaleur de son corps. La place à côté d’elle est vide, les draps ne sont pas froissés. Elle glisse la main. C’est froid.

 

Pour les oiseaux, rien n’a changé. Elle les entend chanter au travers des volets clos, indifférents à la tristesse qui envahit peu à peu la maison.

 

Hier encore, leurs rires étouffés dans l’escalier l’avaient tirée de son sommeil. Feignant de dormir, elle les avait entendus tourner lentement la poignée de la porte, marcher doucement sur le vieux parquet, s’arrêtant au moindre craquement.

Avant même qu’ils ne la touchent, elle avait senti leur parfum.

Elle referme les yeux, les oiseaux continuent de chanter et les odeurs jaillissent.

Ronde et douce pour Léa, un peu sucrée, un rien laiteuse.

Déjà presque virile pour Paul.

Elle serre les paupières mais les effluves se sont envolées. Elle se dit qu’on devrait pouvoir les conserver dans des flacons.

 

Le téléphone retentit, la tirant de sa rêverie.

Elle sort une main, décroche vivement et s’empresse de rabattre le drap sur elle.

  •  - Allô ? articule-t-elle d’une voix enrouée.
  • - Mamie ! s’exclament deux petites voix.
  • - Mes chéris ! Vous êtes déjà réveillés. Mais quelle heure est-il ?

 

Elle regarde son réveil, surprise par ce qu’elle y voit.

  • - Oh ! fait-elle, il n’est que six heures et demie ! Allez vite vous recoucher ! Que vont dire vos parents ?
  • - Ils dorment, répond Paul.
  • - Et on n’a pas le droit de faire un câlin comme chez toi, rajoute Léa d’une voix triste.

 

Son cœur de grand-mère se brise en mille morceaux.

Comme elle les aime…

Comme elle voudrait les serrer contre elle…

  • - Vous voulez un câlin ? leur propose-t-elle.
  • - Oh oui ! fait Léa.
  • - T’es idiote ou quoi ? glapit son frère. Mamie, elle est pas là ! On  peut pas faire un câlin à un téléphone !

 

Que de frustration dans la voix du petit garçon…

 

  • - Ecoutez, murmure-t-elle, installez-vous tous les deux dans le lit de Paul…. Vous y êtes ?
  • - Oui, mais Paul, il m’écrase.
  • - Paul, tu veux bien faire un peu de place à ta sœur ?

 

Elle les entend remuer, pousser quelques grognements, puis, enfin, se calmer.

  • - Bien. Maintenant, fermez les yeux. Léa, ferme tes yeux, s’il te plaît.
  • - Mais…, s’étonne la petite fille, comment tu sais ?
  • - Parce que moi, j’ai fermé les miens, et si je me concentre très fort, je peux vous voir. Allez, essayez.

 

Le silence se fait, tout à leurs efforts pour la rejoindre.

  • - Mamie ! Je te vois ! Je te vois ! Et je vois Léa aussi ! On est tous les trois dans ta chambre !
  • - Moi aussi ! Moi aussi ! renchérit la petite fille.
  • - Gardez vos petits yeux fermés mes chéris. Venez sous les couvertures avec moi. Là, comme ça, chacun d’un côté. On est bien, n’est-ce pas ?
  • - Oui Mamie, répondent les deux enfants.
  • - Vous voulez une histoire ?
  • - Oh oui…
  • - N’ouvrez pas les yeux surtout. Bon, vous êtes prêts ? Je commence…

L’illusion fait long feu.

Elle n’a pas d’enfants.

Elle n’a pas de petits-enfants.

Elle n’a que de la tendresse à revendre.

 

Edit de le mi-journée:

Pour les coeurs tendres qui ont pleuré (et râlé!), imaginons un instant que cette mamie va bientôt trouver des petits-enfants adoptifs à qui donner sa tendresse. Il se peut même que ce soit ses petits voisins.

Satisfaites?

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 07:00

the.jpg Ce soir, les applaudissements ont encore claqué. Comme  à leur habitude, ils se sont donnés la main pour saluer le public, leurs regards ont croisé brièvement ceux des spectateurs, le rideau s’est refermé, le silence est retombé.

 

Dans la salle vidée de ses occupants, une jeune femme est assise, seule.

Elle fixe sans ciller le tissu rouge immobile lui aussi.

 

Elle essuie distraitement quelques gouttes de sueur sur son front, regrettant que la chaleur étouffante du théâtre l’ait empêchée de profiter pleinement du spectacle.

Elle a souri, elle a même ri parfois mais la proximité incommodante de tous ces étrangers l’a dérangée.

Elle ne s’est jamais sentie très à l’aise au milieu de ces foules remuantes et bruyantes, pourtant, elle adore aller au théâtre.

 

Ce soir, elle a réservé une place dans l’orchestre. Elle est arrivée très en avance et a pu s’installer parmi les premières. L’ouvreuse l’a placée avec déférence, refusant la pièce qu’elle lui tendait. Elle n’a fait aucun commentaire, elle a l’habitude…

 

La salle s’est remplie peu à peu, le bruit s’est intensifié, les odeurs se sont mélangées, les corps de ses voisins l’ont effleurée, elle a senti dans sa bouche le goût de la bile.

Un moment, elle a pensé à se lever pour partir. Le regard qu’elle sentait insistant de l’homme assis à sa droite l’en dissuada. Les lumières se sont enfin éteintes, elle se laissa aller pour profiter pleinement de la pièce.

 

C’est son père qui lui en a parlé. Il l’avait vue avec une amie quelques jours auparavant :

  • -         Vas-y, lui a-t-il dit, le texte est drôle, le ton juste, les personnages parfaitement identifiables. Je peux t’y accompagner si tu veux.

Elle a failli accepter. Elle aime beaucoup sortir avec lui. Il l’entoure de son bras affectueux tout en lui tenant fermement la taille. Souvent, il lui a raconté en riant les regards interrogateurs des passants qu’ils croisent, pourtant, personne ne leur a jamais fait de remarques. Elle le regrette, cela fait longtemps qu’elle a une réponse…

Pour finir, elle a refusé.

 

Mathieu l’a conduite jusqu’au théâtre, l’installant à sa place en lui promettant de venir la chercher à 22h30.

 

La pièce a débuté, elle a ajusté ses lunettes et elle a écouté.

Le sujet lui a tout de suite plu : Cette troupe de comédiens aux talents incertains qui répètent une pièce jusqu’au jour de la catastrophique première, oui, son père a eu raison de la lui conseiller.

Ne serait-ce la chaleur, elle en aurait fini par tout oublier et voir pleinement les comédiens.

 

La moiteur de son corps sèche peu à peu, l’air devient plus respirable. Le silence est presque aussi assourdissant que les applaudissements. Elle pourrait se lever et gagner la sortie, mais Mathieu le lui reprocherait :

  • -         Et s’il t’était arrivé quelque chose ? lui dirait-il.
  • -         Que veux-tu qu’il m’arrive ? Je ne suis pas en sucre !

Alors, elle l’a attendu.

 

Mathieu est là. Elle ne l’a pas entendu arriver, ce qui ne laisse pas de la surprendre.

  • -         Alors, c’était bien ?
  • -         Oui. Ca t’aurait plu.
  • -         On rentre ?
  • -         Ok.
  • -         Tu veux ta canne ?
  • -         Non, ton bras me suffit.

L’écrivain posa sa plume, étudia la photo en pensant que décidemment, son récit n’avait aucun rapport, à part, peut-être la théière qui, par une curieuse association d’idées l’avait menée au théâtre en compagnie d’une jeune aveugle.

 

Ceci est ma participation aux Jeux d’Ecriture n°4.



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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 07:00

mariage.jpg- Tu es prête ?

- Non.

- C’est une blague ?

- Non. Je ne sais pas quoi mettre.

 

C’est bien un truc de bonnes femmes ça ! Des placards qui dégueulent et jamais rien à se mettre sur le dos. Et toi, tu ne fais pas exception à la règle. A une différence près : Tu joues tellement au yo-yo que la taille de tes vêtements varie entre le 38 (que tu fantasmes un jour de porter) et le 46. Quand je te regarde, je me dis que tu ferais aussi bien de passer directement au 48.

 

- Alors, tu te magnes ?

- Oui, j’arrive ! De toute façon, ils ne pourront pas commencer sans moi.

- Et pourquoi ça ?

- Parce que c’est moi qui ai les alliances !

 

Finalement, ça ne m’étonne pas. Tu as le chic pour fourrer ton long nez partout, te rendre indispensable alors que personne ne t’a rien demandé.

 

- Tu aimes ?

 

A quoi bon prendre le temps de te regarder ? Je te connais par cœur…

 

- Tu es parfaite.

 

D’ailleurs, tu n’ m’écoutes pas, tu m’as déjà tourné le dos, indifférente à mon opinion. Tant mieux, ce sont autant de problèmes évités.

Je me demande pourquoi tu aimes autant les mariages. Quand on voit le nôtre on aurait plutôt envie de fêter les divorces !

 

- Tu te souviens de notre mariage ?

 

Et v’lan, voilà que tu remets ça !

Mais pauvre nouille, ça fait trente ans que j’essaie d’oublier ! Trente ans que je me suis fait berner par ta prétendue grossesse de merde ! Trente ans que t’es cocue ma pauvre et que je sais que tu sais. Trente ans que tu me traînes de mariage en mariage et que j’y chasse mes maîtresses toujours plus jeunes, plus fermes et plus belles que ta face de coker ! Quoique tout bien considéré, je craigne d’offenser l’animal…

Trente ans que tu refuses le divorce uniquement pour m’emmerder…

Vas-tu finir par crever à la fin !

 

Dans l’encadrement de la porte, elle observe son époux. En spectatrice silencieuse, elle entend ses pensées qui ne la blessent plus depuis longtemps. Elle s’avance vers lui et lui tend les clés de la voiture :

- Je suis prête.

Puis elle ajoute, provocante :

- Ne pense plus, tu te fais du mal.

 

Ah… Pour un peu, je t’étranglerais ! J’imagine ton visage congestionné, rouge du sang emprisonné, tes yeux écarquillés, la bouche ouverte sur ta langue gonflée, ton…

 

- Hé ho ? Tu rêves ?

- C’est ça, je rêvais…

- Peut-être qu’il se réalisera un jour ton rêve, répond-elle, le fixant de son œil narquois.

 


L’homme ne prend pas la peine de répondre, il se contente d’attraper les clés de la voiture, jouissant de lire sur le visage de son épouse toute la frustration d’une querelle avortée.

Dans l’auto, les mains agrippées au volant, son esprit l’entraîne vers des pensées meurtrières.

« La place du mort, pense-t-il, elle occupe la place du mort… »

Songeur, il cherche pourquoi le siège du passager est appelé de la sorte.

« Sans doute existe-t-il des statistiques sérieuses sur le sujet, les pourcentages ont certainement démontré que, lors d’un accident automobile, l’occupant du siège avant droit est le plus exposé aux risques mortels… »

Il fouille sa mémoire à la recherche de faits divers ayant entraîné la mort du passager mais la survie du conducteur.

 

Un choc frontal contre un mur ? Une collision sur l’autoroute ? Ou bien un virage mal calculé entraînant la chute du véhicule dans le ravin ?

Il se prend à évaluer les chances, pour lui, d’en réchapper indemne et les risques, pour elle, de s’en sortir sans égratignures ou pire, physiquement impotente, ce qui le réduirait « ad vitam æternam » à la merci des exigences de sa femme.

 

- Plutôt crever moi-même…, marmonne-t-il.

- Plaît-il ? intervient son épouse.

- Ta gueule…formule-t-il, les lèvres closes.

 

Il rattrape le fil de ses pensées, décide qu’il ne doit pas agir dans la précipitation. Il n’aurait droit qu’à un seul essai.

Il commencerait par des recherches sur internet, étudierait avec soin les meilleurs accidents. Il chercherait un lieu suffisamment dangereux pour faire taire les éventuels soupçons, mais pas trop non plus pour y risquer d’y laisser sa peau. L’idéal serait qu’il puisse faire un essai. Avec un mannequin par exemple, ce qui lui permettrait d’évaluer si les blessures pourraient se révéler mortelles ou pas.

Bien sûr, il faudrait veiller à effacer toute  trace de ses recherches sur son compte internet.

Ce projet l’excite tellement qu’il dépose tendrement un baiser sur la joue grasse de son épouse stupéfaite.

 

La jeune femme referme brusquement son livre. Son fiancé sursaute, étonné par cette violence.

- C’est pas bien ? lui demande-t-il.

- C’est ta mère qui m’a conseillé ce livre. Elle pensait que ça me détendrait à la veille de notre mariage… Au fait, ton père, il est mort de quoi déjà ?


Consigne de l'Atelier: Mariage

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Le principe de la protection du droit d'auteur est posé par l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) «l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial».

L'ensemble de ces droits figure dans la première partie du code de la propriété intellectuelle qui codifie les lois du 11 mars 1957 et du 3 juillet 1985.

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