Il y a quelques temps, j'ai rendu visite à ma gynécologue. J'en suis ressortie avec un : « Tout va bien » accompagné d'une ordonnance pour une mammographie.
- Rien ne presse, m'a-t-elle dit, vous la ferez après les fêtes.
Oui mais voilà, ça fait six mois qu'elle jaunie dans mon sac et si j'attends encore, j'en serais quitte pour un retour à l'envoyeur pour cause d'ordonnance périmée...
Pourquoi repousser à l'année prochaine ce que je pourrai faire aujourd'hui ? Parce qu'il y a 10 ans, j'ai subi l'humiliation la plus cuisante de mon existence.
La belle jeune femme que j'étais alors, sûre d'elle, en pleine ascension professionnelle entra, tout sourire, dans le cabinet de radiographie pour accomplir ce qu'elle pensait être une formalité inhérente à son appartenance au sexe féminin.
Celle qui en ressortit avait l'allure d'une pauvre petite chose ayant perdu toute illusion sur l'intérêt, pour ne pas dire l'attrait, d'une des parties de son anatomie.
Il y a 10 ans, je pénétrai dans une pièce ne me doutant pas de la torture et de l'avilissement qui m'attendaient...
Torse nu, pointant fièrement mes deux mandarines en avant, je me retrouvais face à une machine digne de l'inquisition actionnée par un bourreau non moins sadique.
- Vous avancez, vous posez le sein gauche sur la table de l'appareil, aboya la tortionnaire.
J'approchais sans peur vers la chose métallique pour y déposer délicatement ma petite pomme tout en notant des arcs de cercles dessinés sur la table, allant du plus petit au plus grand.
« Tiens, à quoi ça sert ? » pensai-je.
La réponse arriva aussitôt, après un regard dédaigneux du cerbère sur ma poitrine :
- Il faudrait que vous l'aplatissiez jusqu'au premier trait, on n'a pas plus petit.
Conciliante, sans prêter attention à ses manières abruptes - c'est moi la patiente, quand même ! - j'entrepris de faire ce qu'on me demandait.
C'est là que tout a basculé...
Essayez de poser un sein aussi gros qu'une noix sur une table ! Vous ne voyez pas le malaise ? Non, toujours pas ? Demandez à une TRES bonne amie avec une poitrine TRES menue de vous faire la démonstration, de préférence sur le bar de la cuisine sinon la table de la salle à manger fera très bien l'affaire aussi. Vous n'avez pas d'amie à petits seins ? Franchement, ça m'étonnerait, mais admettons, faites alors l'expérience vous-même : Prenez une mandarine ou une petite pomme, - la noix c'était pour faire joli dans le texte - plaquez-la entre vos deux seins (comme si vous en aviez un troisième), maintenant, essayez d'aplatir le fruit sur la table tout en le maintenant contre vous... Pas facile ? Dans la réalité, c'est pire ! D'abord parce que cela relève d'une véritable prouesse acrobatique (mettre le buste en avant tout en maintenant le reste du corps en arrière), ensuite parce que, malgré vos efforts, vous n'arriverez jamais qu'à placer la pointe du téton et enfin, parce que c'est insultant de faire remarquer à une femme de façon aussi dégradante que la taille de ses seins est bien en dessous de la moyenne nationale !
Alors qu'elle les vivait parfaitement bien, qu'elle les faisait dorer fièrement au soleil, qu'elle n'hésitait pas à les laisser dorloter par son amoureux, qu'elle ne leur imposait pas les armatures des soutiens-gorges etc, etc..., voilà qu'elle réalise soudain que leur taille est un poids (sans mauvais jeu de mots) ! C'est un choc psychologique grave dont on ne se remet qu'après des années de thérapie ! Et, quand, en plus, vous tombez sur une matrone qui ne connaît pas le sens de solidarité féminine et qui ignore le calvaire, l'angoisse, la dépression dans lesquelles vous sombrez, voilà ce que cela donne :
- Vous mettez le sein, pas la tête ! m'invectiva-t-elle.
Furieuse, je me défendis :
- Et d'une, je ne suis pas idiote, je sais que ce n'est pas la tête que je dois mettre, et de deux, si vous croyiez que c'est facile d'aplatir un sein menu entre ces deux plaques !!
Et j'ajoutais, perfide :
- Evidemment, ça risque pas de vous arriver à vous... Je parie que ça doit même déborder...
D'accord, c'était un coup bas mais on se défend avec les armes qu'on a !
Quand je réussis enfin à poser un tout petit bout de sein, la garce actionna, sans prévenir, les deux plaques métalliques : La stupeur et la douleur provoquèrent un réflexe de recul qui augmenta d'autant mon supplice.
- Bougez pas !
Comment voulait-elle que je bouge, l'ignoble individu, emprisonnée comme je l'étais !
Profitant de ma faiblesse et de ma douleur, la vipère distilla son venin :
- Je ne sais pas si on va voir grand-chose à la radio... Ils sont vraiment minuscules. Remarquez, faut voir le bon côté, vous n'êtes pas obligée de porter un soutien-gorge !
Quand même, je n'ai jamais eu un cas comme le vôtre !
Faisant fi de ces remarques acides, je gardai le silence, imaginant ses mamelles à elle qui bientôt s'affaisseraient sur son ventre flétri... Oui, je sais, c'est horrible.
Grâce à mon psy, j'ai pu surmonter cette éprouvante expérience et je croyais en avoir fini avec ce traumatisme jusqu'au jour où ma fille, âgée d'à peine 6 ans, me dit, croyant sans doute que l'espoir fait vivre :
« Tu sais maman, un jour, toi et moi, on aura des tétés. »